23 Octobre 2018,
MONTPELLIER
Elle trône sur un désert comme un mythomane sur un royaume imaginaire. La flambante gare Sud de France de Montpellier, promet au voyageur non-averti, une expérience semée d’embûches et de complications.
La gare TGV de Montpellier Sud de France Vue d’avion en avril 2018 – Photo © JJF 2018
Ouverte aux voyageurs depuis juillet dernier, la gare n’accueille chaque jour, que 2 TGV et 1 train Intercités Marseille/Bordeaux, aller et retour.
L’image satellite, dévoile crûment la réalité. Les 6.000 m² de la nouvelle gare, d’un coût de 135 millions d’euros, règnent sur 35 hectares de terrains en friche. Elle est à 6 km du centre-ville et de la gare historique. Ce qui a son importance lors des correspondances.
Depuis Montpellier un seul accès routier enjambe l’autoroute. C’est une petite route où la circulation est alternée par deux feux rouges. Au sud, il faut traverser la grande zone d’activité de Mauguio, très encombrée aux heures de pointe. Le tram est prévu pour 2021. Une ligne de bus et une navette assurent une liaison hypothétique vers le centre commercial Odysseum distant de 2 km. C’est l’endroit le plus proche pour tenter d’attraper les transports en commun, mais attention toutefois aux arrivées tardives ou aux trains en retards. Le sous-dimensionnement du réseau routier fait qu’il est très rapidement saturé. Taxis, bus, véhicules personnels sont souvent bloqués plus de 25 minutes. Celles et ceux qui ont l’habitude d’être juste à l’heure doivent prévoir une marge supplémentaire.
Sur place, ce mercredi, en dehors de l’arrivée et du départ de deux trains, la gare fait la même impression qu’un décor de cinéma, après la fin d’un tournage. Il est abandonné à tous vents. Personne ne bouge. Le lieu est déshumanisé. La météo n’arrange rien. Le ciel d’orage est raccord avec la couleur du béton. Les fortes intempéries de la veille ont rendu le terrain boueux. Les nombreux bassins de rétentions sont gorgés d’eau. Elle est pour partie en zone inondable. Les trains prévus pour Marseille et Bordeaux sont annulés. C’est le vide. L’absence de vie et la solitude sont immenses, envahissantes. Comme épié par des milliers d’yeux, les points rouges clignotants des multiples caméras de surveillance tranchent avec l’immobilité du paysage. La sécurité absolue du lieu va bien avec la bise d’automne : elles sont toutes deux glaciales.
L’intérieure est une espèce de cathédrale rectangulaire, haute de plafond, éclairée par des centaines de lucarneaux répartis en lignes droites sur le toit. Cela couvre le sol d’ombres et de lumières comme un éclairage qui traverse une passoire.
Les emplacements commerciaux sont prévus. Aucune boutique ne s’y est installée. En attendant les vitrines sont recouvertes d’immenses calicots multicolores qui au premier abord font croire à un magasin empli de vie. C’est une illusion. Tout est vide.
Le voyageur galère, seul, avec ses valises à roulettes et parfois ses jeunes enfants dans les bras. Il n’y a personne auprès de qui se renseigner. Il tente de rattraper le temps perdu. Désormais avant de céder aux sirènes « low cost » et à la promesse « OUIGO » il doit faire preuve de vigilance. Lors de l’achat d’un voyage, si vérifier le prix et les horaires sont des réflexes acquis il est nécessaire de vérifier la gare d’arrivée. Car, ici, à Montpellier, la richissime, il y a désormais deux gares dont une se situe en Absurdie.
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Prise de vues, montage, traitement © JJF - 2020