Montpellier
Reportage
Aniane, jardin de l’Abbaye, un beau dimanche de printemps. Un magnolia géant, sûrement multi-centenaire. Au fond, discret, le long de la vieille bâtisse, sous la glycine, un bel étal de fleurs, fraîchement coupées. Des pots cuivrés. Une roue de vélo, une cage à oiseau. Un petit panneau « A fleur de peau ». Cachés, presque dissimulés derrière des bouquets, deux grands sourires. Alexia et Nathalie, les deux créatrices de « A fleur de Peau », assises à une table, affairées, concentrées, manipulent des fleurs et un pistolet à colle.
Avec un regard bienveillant, inspirant, elles lèvent les yeux et d’une voix douce, posent sur vous une phrase avec attention : « on vous offre un bijou en fleurs ? », le monsieur un peu perplexe répond, « heu non merci, ça ira !», « mais si vous verrez » rétorque-t-elle d’une voix enjouée. Il lui est alors délicatement accroché sur la poitrine, telle une décoration honorifique, gratifiante, une jolie broche de fleurs mêlées de verdure. Ni trop grande, ni trop petite, elle est élégante. Ni trop fleurie, ni pas assez, elle est délicate. Pile dans le bon goût, elle n’engage point au refus. Il ne le sait pas encore, mais c’est un présent. « Vous vous sentez bien, maintenant ? C’est mieux avec, non ?» lui demande une des fondatrices ; lui de répondre sans aucune hésitation, avec un air visiblement enchanté « oui, c’est vrai, vous avez raison, je vous remercie », il sort son porte-monnaie, « non, non, merci, c’est offert. C’est de la part de la communauté d’agglomération. Pas d’histoire d’argent entre nous, juste des histoires de fleurs !» poursuit-elle. Un autre monsieur, vient délicatement leur porter une boite de cerises qu’il dépose sur la table entre les deux étals de travail. « Elles viennent d’Anjou, c’est pour vous ! ». Les bijoutières ont la cote !
A l’approche de l’éventaire, déjà l’odeur florale caresse les narines. Il se dégage comme par magie, une atmosphère apaisante, fort agréable. Certes, le temps s’y prête, ni trop chaud, ni trop froid. L’ambiance est magnifiquement fleurie. Grâce au rideau de végétaux qui couvre la tonnelle, le soleil de l’après-midi est agréablement filtré. La douceur est aussi visuelle. Des tâches d’ombres gracieuses et des pointes de lumières balaient les multiples bouquets. Au gré des mouvements d’air elles ravivent ou estompent les couleurs. Les végétaux se balancent au rythme d’une légère brise silencieuse. Sans qu’aucun mot ne soit encore prononcé, ces deux femmes vous transmettent une sensation plaisante. Il y a comme un magnétisme heureux, comme un petit bout de bonheur partagé. Un ravissement ? Un enchantement ? Elles semblent très heureuses d’être là et de vous rencontrer. Cela transparait : épanouissement !
Ce moment précieux, qu’elles ont rêvé, envisagé puis créé, est l’aboutissement d’une histoire. C’est la rencontre de deux parcours, la superposition de deux expériences, l’association de deux tempéraments bien distincts et complémentaires, le tout dans une profonde et chaleureuse amitié.
L’objectif premier est de développer une idée dans la simplicité et la convivialité. Ces bouquets posés sur la table de travail sont le résultat d’une volonté affirmée, d’un travail acharné, d’un investissement personnel intense, le tout avec la difficile mais louable ambition de vouloir créer, dans toutes les significations du terme, une activité qui puisse les faire vivre avec du sens. Occuper son temps, oui, gagner sa vie bien sûr, mais surtout être heureuses de le faire et pouvoir le partager.
L’idée de faire des bijoux en fleurs est née courant 2018. Quelques tests, des heures de travail et c’est avec de tous petits moyens, qu’en septembre de la même année, l’entreprise « A fleur de peau » va éclore. Depuis, de mariages en séminaires d’entreprises, d’ateliers entre ami.es aux anniversaires et autres évènements comme des départs ailleurs, en retraite, ou, comme aujourd’hui, missionnées par une collectivité locale, au fil d’évènements heureux « à fleur de peau », Alexia et Nathalie fleurissent des poitrines, ornent des doigts ou des poignets, couronnent des têtes.
Devant des mines réjouies d’enfants, de femmes et d’hommes de tous les âges, parfois même face à plusieurs générations, toutes impatientes, elles fabriquent bagues, couronnes, broches, barrettes, bracelets, mignardises.
Au fil de la journée, les fleurs disparaissent des bouquets il ne reste que des tiges. Comme des vols de papillons, elles vont se poser ici sur une tête, là, s’accrocher aux vêtements, aux sacs, se glisser fièrement au bout des doigts ou s’enrouler tendrement autour d’un avant-bras. Dans le jardin, la floraison se propage tranquillement, inexorablement. Au fur et à mesure que la journée avance, dans le parc, puis dans le village, lorsque les passants qui se croisent, aperçoivent cette ornementation végétale, ils se saluent, se sourient. Elle est un digne signe de reconnaissance, un symbole d’amabilité, un emblème de courtoisie, une allusion complice « à fleur de peau ».
Fin de journée sur la place du bourg, à la terrasse d’un des petits bistrots, la patronne est visiblement un peu déçue « Vous êtes joliment fleurie ! Oh ben personne ne m’a prévenue, ha si j’avais su, c’est drôlement chouette ! ».
Le bijou est éphémère mais il a son importance. Le temps du fleurissement, il orne la personne, marque le lieu, pause le moment, symbolise la convivialité de la journée mais son souvenir reste quant à lui : impérissable.
Pour aller plus loin : Voir notre reportage photo diaporama en bas de page
Texte, prise de vues et montage Jean-Jacques Flandé © JJF 2019
Prise de vues, montage, traitement © JJF - 2020